Retour sur une intervention en maternité par Hélène, bénévole pour Souvenange Photographie France
Vendredi 27 avril
9h58
Mon téléphone sonne, je reconnais le numéro de la maternité.
Ça fait toujours un petit coup au cœur.
La sage-femme cadre me dit qu’ils ont besoin de moi pour une prise de vue, l’appel durera 48 secondes.
Je prends le temps de prévenir mon rendez-vous de midi que j’aurai sûrement un peu de retard.
Je file sous la douche, je vérifie mon matériel.
10h40 je pars de la maison.
En route, comme toutes les fois précédentes, je mets la radio, je respire, j’entre en concentration.
11h11 je me gare sur le parking de la maternité.
Il fait beau, et bon.
Je profite du court trajet à pied pour sentir le soleil sur ma peau et écouter le chant des oiseaux.
11h15 je suis dans les lieux.
J’ai l’habitude, cela fait un peu plus de 3 ans que je travaille en partenariat avec cette maternité. Je m’annonce, et je vais m’installer.
11h17, la sage-femme me dit que la maman voudrait que je la prenne en photo avec son bébé. Je sais que je vais donc en avoir pour plus de temps que prévu, j’annule mon rendez-vous de midi.
La sage-femme arrive, avec un berceau, recouvert d’un grand drap blanc.
Je suis prête, je soulève le drap.
Je découvre une toute petite poupette, elle est née trop tôt, à 22sa.
Je demande son prénom, et je la prends délicatement dans mes mains.
Elle est enveloppée dans une magnifique petite angeline violette, offerte par l’association Lou’Ange.
Je la sors délicatement de son angeline, elle est toute petite et si parfaite.
Je l’installe sur l’oreiller, et je prends le temps de l’observer, elle est si belle.
Je commence. Les détails, ses pieds, ses mains, sa petite oreille, sa bouche.
Puis je la prends en photo en entier, je la positionne au mieux.
Sa tête est nue.
Je fouille dans mon sac, il me reste un mini-bonnet que j’avais tricoté, je le lui mets, elle est encore plus jolie. Je refais des clichés.
Puis je la remets dans son angeline et je fais encore des photos.
Tout le temps de la séance, je lui parle, je l’appelle par son prénom.
La sage-femme est restée avec moi. Je lui demande si elle me trouve bizarre de parler à ce bébé, de lui expliquer ce que je fais. Elle me dit que non, qu’elle, elle fait pareil. Je souris, et je lui réponds que si je parle à « mes » bébés, c’est que je ne photographie pas des « cadavres » (pardon pour le mot), moi je photographie des bébés, j’immortalise le lien d’Amour qu’ils ont avec leurs parents, avec leur famille, alors je leur parle, tout le temps, doucement…
J’ai terminé.
Nous nous dirigeons, la sage-femme et moi, avec le berceau, vers la chambre de la maman. Elle a été mise tout au fond du couloir, au plus loin des autres mamans, par délicatesse, pour qu’elle n’entende pas les pleurs des bébés.
Je rentre dans la chambre. La fenêtre est ouverte et le soleil s’engouffre.
La maman est assise sur son lit, je me présente.
Le papa n’est pas là, et il ne viendra pas. Il n’a pas vu sa fille, il n’en a pas le courage.
Je retire à nouveau le grand drap, je sors tout doucement cette toute petite puce, et je la dépose dans les bras de sa maman.
Puis je ressors mon matériel, et je les prends en photo, toutes les deux.
La maman a le visage un peu triste, mais elle ne pleure pas.
Je lui parle, je lui dis à quel point sa fille est belle.
Elle me remerciera pour cela.
J’ai terminé.
Je demande à la maman si elle ne veut pas essayer de convaincre son mari, une dernière fois, de nous rejoindre.
Elle m’explique que ce n’est pas la peine, qu’il ne changera pas d’avis.
J’ai une idée !
« Auriez-vous une photo du papa sur votre téléphone ? »
Elle le prend, elle cherche sur son profil Facebook. Elle m’en montre deux, nous choisissons ensemble.
Je reprends des photos, la maman, son bébé, et la photo du papa sur le téléphone, dans la main de la maman.
Je ne sais pas si lui les regardera un jour, mais à cet instant, le visage de cette maman s’est illuminé, elle a esquissé un sourire. Virtuellement soit, la famille est réunie pour un court instant, c’était leur premier bébé.
Cette fois j’ai terminé, je range mon matériel. Nous échangeons quelques mots.
La poupette va partir à l’autopsie juste après mon départ, je la laisse dans les bras de sa maman, et puis je quitte la chambre, en ayant pris quelques instants pour faire une petite caresse au bébé, pour lui dire aurevoir. Je salue la maman, je pose ma main sur son bras, et je la regarde. Je ne sais jamais trop quoi dire au moment de cette séparation, alors je touche, et je regarde.
Je passe par le bureau des sages-femmes pour indiquer la fin de mon accompagnement, et que je reviendrai rapporter les photos.
12h26 je repars de la maternité.
Il fait toujours beau et bon, et je n’ai pas envie de rentrer tout de suite, j’ai besoin d’un petit sas de décompression.
Je remonte dans ma voiture, et puis je décide d’aller me détendre un peu. Je vais jouer avec mon téléphone, en me promenant. Je jouerai pendant 2 heures ce jour-là.
Cela fait un peu plus de 3 ans maintenant que j’ai fait mon premier accompagnement pour Souvenange, et c’est la première fois que j’écris après une séance. Il m’aura sans doute fallu ce temps pour poser les mots.
En tant que Présidente de l’association, je passe beaucoup de temps à autre chose que des séances d’accompagnement sur le terrain, la communication, le recrutement des bénévoles, la formation, l’administratif… Je suis heureuse de continuer à aller accompagner les parents en maternité, parce que même si je sais que tout le reste de mon travail est indispensable, les accompagnements, c’est l’essence même de Souvenange, ce pour quoi mon mari et moi nous avons fondé cette association.
Petite I. aura toujours une place dans mon cœur et dans ma mémoire, comme tous les autres bébés que j’ai rencontrés et photographiés.
Souvenange est une merveilleuse aventure humaine, je suis heureuse et fière de poser ma toute petite pierre à l’édifice, et tellement reconnaissante à la Vie que ma route ait croisé celles de tant de personnes bienveillantes.
Et pour mon rendez-vous de midi manqué, quand je l’ai dit à ma fille, elle m’a écrit “C’est bête, pour une fois que tu prends du temps pour toi…”, je lui ai répondu que oui, mais que j’étais une toute petite “Super-Héroïne” )
C’est comme ça que je me sens à chaque fois que je sors de ces séances, toute petite “Super-Héroïne”, mais surtout reconnaissante. Parce qu’on croit a priori que l’on ne fait que donner, mais c’est complètement faux, on reçoit encore bien plus.
Hélène, bénévole pour Souvenange Photographie France