Témoignage d’Annabelle, maman de la petite Elise, née sans vie le 19 septembre 2013
Notre fille Élise est née sans vie le 19 septembre 2013, suite à une interruption médicale de grossesse pratiquée 12 heures avant l’accouchement. Nous avons su plusieurs semaines avant sa naissance qu’elle ne naîtrait pas vivante. Dans notre malheur, cela nous a donné la chance de préparer son arrivée du mieux que nous pouvions, sans être pris complètement de court.
Préparer son arrivée, cela a signifié organiser ses obsèques mais surtout penser aux traces que nous pourrions garder d’Élise. Parmi elles, il y a notamment un double des vêtements qu’elle porte dans son cercueil, un double de son doudou, l’empreinte de ses pieds. Mais les plus précieux souvenirs que nous avons d’elle, ce sont les photographies.
Nous avons la chance d’avoir « beaucoup » de photographies d’Élise et, qui plus est, différents types de photographies. Voici l’ordre dans lequel nous avons obtenu – et donc vu – ces photographies :
• Les photographies que nous avons prises nous-mêmes en salle de naissance et en chambre mortuaire. Ce sont les plus nombreuses parce que nous avons essayé de la photographier sous différents angles (en entier, son visage, ses mains, ses pieds, etc.).
• Les photographies qu’une amie proche – photographe professionnelle – a accepté de prendre en salle de naissance. Ce sont les plus belles, les plus douces, les moins triviales, les plus présentables, les moins douloureuses.
• Les photographies que la sage-femme de l’hôpital a eu le mérite de prendre.
Si nous n’avions pas eu la chance ou la possibilité d’avoir d’autres photographies, nous aurions dû nous contenter à jamais de ces deux seuls clichés flous, mal éclairés et mal cadrés.
• Les photographies macroscopiques qui ont été prises par le médecin qui a pratiqué son autopsie.
Le mérite de ces photographies, par ailleurs très froides et distantes, est qu’elles la représentent en entier et nue, sans fard, sans vêtement. C’est elle, entièrement elle, uniquement elle.
Nous avons en tout et pour tout une cinquantaine de photographies. Cinquante photographies pour toute une vie. Dérisoire et nécessaire à la fois.
Ces photographies sont le témoin de son existence, de son séjour dans mon ventre, de son passage sur terre, de son empreinte sur nos vies.
Ces photographies sont la preuve qu’elle existe, même si elle n’est plus.
Ces photographies sont notre seule façon de la présenter à qui veut bien la « rencontrer ».
Ces photographies sont notre seul moyen de nous souvenir de son visage et de son corps, car tous les souvenirs s’effacent, tous.
Ces photographies, je ne les regarde qu’occasionnellement, selon mon envie, mon état d’esprit, mon besoin, mon humeur, le moment. Je peux rester plusieurs jours, voire plusieurs semaines sans les regarder. Mais au moins elles existent.
Mieux vaut qu’elles existent « pour rien » plutôt que de regretter qu’elles n’existent pas.
On dit souvent que photographier, c’est immortaliser. Pour nous, c’est exactement ça : avec toutes les photographies que nous avons d’Élise, c’est comme si elle était un peu immortelle, presque un peu moins morte.
Du haut de ma petite et terrible expérience, je souhaiterais adresser quelques conseils à ceux qui seraient amenés à prendre des photographies d’un bébé décédé, selon les possibilités et les souhaits des personnes concernées :
• Prenez le plus de photographies possible de l’enfant, sous tous les angles, sous toutes les coutures. Chaque détail sera précieux ; chaque photographie sera un trésor.
• Photographiez l’enfant avec ses parents, voire ses frères et sœurs s’il en a.
• Photographiez l’enfant nu, entièrement nu : sans fard, sans bonnet, sans vêtement.
• N’oubliez pas qu’il n’y aura pas de seconde chance : mieux vaut en faire trop que pas assez.