Témoignage d’une maman accompagnée par l’association
J’ai écrit ce témoignage comme si je le racontais à notre bébé (sauf pour la dernière partie).
On peut se demander pourquoi j’ai insisté sur les dates, je l’ai fait car chaque date est gravée en moi à jamais. Chaque date mentionnée nous rapprochait du jour fatidique où nous devrions dire au revoir à notre unique enfant, né sans vie à 25+5 jours de semaines aménorrhées.
J’ai appris ma grossesse le 25 août 2017, suite à des douleurs dans le bas du ventre qui me faisaient souffrir depuis une semaine.
Jusqu’au 4 janvier 2018, j’ai eu une grossesse sans gros soucis, quelques douleurs ligamentaires, bassin qui se bloquait et une thyroïde à suivre de très près.
J’ai eu une échographie tous les mois, où ton évolution été très bonne, tu as joué à cache-cache avec nous en novembre et décembre ce qui fait que nous n’avons pas pu savoir si l’estimation de « fille » faite lors de mon écho des 12 semaines se concrétisait.
Notre quotidien a basculé le 4 janvier 2018, jour de l’écho morphologique que nous attendions avec impatience. La première partie de l’écho s’est passée comme habituellement, nous avons appris qu’un petit garçon avait fait son nid dans mon ventre et non une petite fille, je vois encore ton père sourire fièrement car il avait toujours dit que tu étais un garçon.
Encore une fois tu as joué à cache-cache avec nous et le médecin. Après insistance elle s’est attardée sur certaines parties de ton corps sans dire un mot, jusqu’au moment où elle nous a informée arrêter l’écho… à ce moment j’ai su que quelque chose n’allait pas.
Elle a prononcé cette phrase qui a tourné en boucle dans ma tête pendant des jours
« … Je suis désolée, il y a un problème avec votre bébé… »
Elle nous a expliqué que tu avais une grave malformation au niveau du tube neural, que ton cerveau présentait également des malformations… je suis restée forte au début mais j’ai fini par craquer. Je me souviens encore qu’elle me caressait le bras pour m’aider à encaisser la nouvelle. Elle nous a demandé de prendre rendez vous avec le centre anténatal de Poissy afin qu’il confirme ou non les malformations découvertes.
Nous sommes sortis du rendez vous plus démunis que jamais, ton papa a craqué dans la voiture, nous avons commencé à recevoir les sms de nos proches qui, comme nous, attendaient l’écho avec impatience, nous n’avons pas pu leur répondre, notre peine était trop lourde.
Nous avons eu rendez vous le lendemain, soit le 5 janvier à Poissy, le médecin qui nous a reçus, nous a confirmé ce que nous savions déjà, il a ajouté que tes petits pieds non plus n’avaient pas évolués correctement.
Il nous a informés que notre dossier serait présenté le mardi 9 janvier en staff afin d’avoir l’accord de faire pratiquer une IMG si nous le souhaitions.
A partir de ce moment, nous avons passé des journées entières sur internet à la recherche de la moindre information, nous voulions savoir comment avec de telles malformations tu pourrais vivre, quel recours nous avions pour te faire vivre convenablement. Après plusieurs jours nous nous sommes rendus à l’évidence, tu ne pourrais pas vivre joyeusement avec autant de problèmes, ta vie serait devenue un vrai calvaire et nous ne voulions pas ça pour nos enfants.
Le 8 janvier le centre anténatal de Poissy m’a contactée pour que je fasse une amniocentèse, elle a eu lieu le 10 janvier, lors de ce rendez vous nous avons appris que le staff avait donné son accord pour une IMG. Nous avons eu un rendez-vous avec le professeur Zerah de l’Hopital de Necker le jeudi 11, nous sommes sortis de ce rendez-vous, non pas soulagés, mais convaincus que notre décision pour ton avenir resterait la meilleure. Nous avons fait part, à l’hôpital de Poissy, de notre utile décision le vendredi 12. Cette décision restera un choix très difficile que nous avons dû prendre, on s’attendait à te donner la vie, et non à programmer ta mort mon bébé.
Le même jour avec ton papa nous avons choisi ton prénom, Hugo, il ne faisait pas partie de nos choix, mais nous voulions un prénom doux pour toi. Quand j’y repense ton prénom rime avec « là-haut », « là-haut » est ta demeure à jamais.
Le week-end suivant nous avons décidé de ce que nous voulions pour toi, nous avons fait différents choix concernant tes funérailles, tes habits, quel souvenir nous voulions … J’ai rejoint ce même dimanche le groupe IMG et Deuil Périnatal sur Facebook, j’ai raconté notre histoire et une maman m’a prise sous son aile, elle m’a beaucoup aidée, m’a expliqué ce qu’elle avait fait pour sa petite fille partie au ciel quelque mois auparavant.
Dans la conversation elle m’a parlé de l’association Souvenange, qui venait en aide auprès de parents vivants la même chose que nous. Les bénévoles de l’association interviennent dans les maternités après la naissance de bébés afin de faire des photos d’eux, les photos prises sont des souvenirs pour les parents en deuil.
J’ai parlé de cette association à ton père et j’ai décidé dans la foulée de prendre contact avec eux le jour même. Hélène de l’association, m’a répondu quelques minutes plus tard. A ce moment précis je n’avais pas encore connaissance de la date de ton départ, nous avons alors décidé avec Hélène que je la recontacterais dès que les informations me seraient transmises par l’hôpital.
Lundi 15 janvier, l’hôpital de Poissy m’a recontactée pour qu’on fixe un rendez vous le lendemain afin d’organiser l’img, la sage-femme au téléphone m’a également informée que l’intervention pouvait avoir lieu le jeudi 18 janvier.
Mardi 16 janvier, nous avons pris connaissance du déroulement de l’IMG, les premiers résultats de l’amniocentèse nous ont été communiqués, la trisomie 18 est détectée en plus du spina bifida, encore une fois nous accusons le coup, mais notre décision prend tout son sens.
En sortant du rendez vous, un grand besoin de prendre l’air se fait ressentir pour ton papa et moi, nous nous rendons dans un magasin et achetons le nécessaire pour que je puisse customiser ta boîte à souvenir. Six mois à réfléchir à ta chambre, pour qu’au final tes petites affaires finissent par tenir dans une petite valisette. J’ai recontacté Hélène de Souvenange afin de l’informer que l’IMG aurait lieu de 18 janvier. J’apprends alors que Céline sera la bénévole à nos côtés pour la prise de photos.
Mercredi 17 janvier, je reçois un sms de Céline qui souhaite avoir un rendez-vous téléphonique avec moi afin de se présenter. Notre rendez vous a eu lieu le jour même à 14h, j’ai eu au téléphone une personne très douce, qui m’informe que son intervention auprès de nous serait sa première expérience.
Le reste du temps je l’ai consacré à préparer ta tenue, j’ai longuement réfléchi au doudou qui t’accompagnerait, j’ai aussi prié pour me réveiller de ce cauchemar. Mais ce réveil n’a jamais eu lieu. Après avoir passé la journée à faire bonne figure auprès de ton papa, je me suis effondrée de chagrin, j’ai réalisé que je passais ma dernière nuit en ta compagnie, encore une fois ce soir là et depuis le 4 janvier tu t’es manifesté, j’ai ressenti tes coups, des coups plus fort qu’habituellement. J’ai dormi 3 heures cette nuit-là, je peux dire que tu n’a pas dormi beaucoup non plus, car à chacun de mes mouvements tu m’a montré que tu étais présent mon fils.
Jeudi 18 janvier, Hélène de l’association m’a envoyé un message de soutien, son message aussi minime soit-il m’a fait chaud au cœur, ce n’est pas le seul que j’ai reçu ce matin là, mais dans des moments pareils, un soutien de n’importe quelle personne prend tout son sens. Nous sommes arrivés à Poissy dans le service GHR à 8h30, j’ai fait connaissance avec les sages-femmes présentent ce jour là, nous leur avons expliqué ce que nous voulions pour toi. Je suis partie en salle d’accouchement vers 10h. La suite des événements nous sont propres, je peux juste dire que ton petit cœur a cessé de battre à 13h ce jeudi 18 et que tu es né vendredi 19 janvier à 11h29, sans un pleur, ni cri…
Suite aux événements des deux derniers jours Céline n’a pas pu venir le vendredi. Nous avons fait sa connaissance « physique » samedi 20 janvier vers 11h00, elle a pris des clichés de toi Hugo, des clichés de nous en tant que famille, des clichés qui feront partie des petits souvenirs que nous allons avoir de toi, certains clichés seront affichés chez nous afin que nos proches te voient avec les mêmes yeux que Céline.
Aujourd’hui nous sommes le 8 février 2018, il y a maintenant 3 semaines que tu es parti, mon ange, mais c’est aujourd’hui que j’ai la force d’écrire le témoignage pour l’association Souvenange afin que d’autres parents démunis comme nous l’avons été, puissent trouver du réconfort avec les photos de leurs petits anges.
Au-delà des photos prises par Céline, lors de ma démarche auprès de l’association j’ai fait connaissance avec Hélène, qui à chaque étape de notre « malheur » a su nous témoigner son soutien, lors d’épreuves comme nous avons vécues, un simple message vous aide, vous montre que des gens pensent à vous.
Céline elle, nous a mis à l’aise tout de suite, j’étais très réticente lors de sa venue, pas que j’avais changé d’avis, mais parce qu’entre l’arrêt de ton cœur et ta naissance Hugo, il s’est passé presqu’une journée, une journée durant laquelle ta peau s’est beaucoup abîmée (sur une paupière et sur tes mains), j’avais peur que Céline soit choquée, car il s’agissait de sa première intervention.
Lors de ta découverte Hugo, Céline n’a rien laissé paraître, elle a peut-être été choquée mais ne l’a jamais montré. Notre rencontre n’a pas duré longtemps mais nous avons eu en face de nous, une personne bienveillante et pleine d’attentions, elle t’a manipulé avec beaucoup d’attention, elle a fait son maximum pour que tes photos soient jolie (le cadre ne s’y prêtait pas), elle a arrangé les choses de façon à ce que tes compagnons de voyage apparaissent sur nos photos.
C’est un choix très personnel de savoir si nous voulons des photos de nos bébés, c’est un choix tout aussi personnel que de faire appel à une association, afin de les laisser rentrer dans votre intimité pour que vous ayez des photos souvenirs de votre enfant.
Je ne changerai rien sur les choix que nous avons faits.
Je serais reconnaissante à vie envers Anaëlle, c’est elle, la maman et mam’ange qui m’a prise sous son aile et qui m’a parlé de l’association. Par son expérience elle savait que ces photos pourraient nous aider sur le chemin de notre deuil.
Merci à l’association de venir en aide aux parents, merci aux bénévoles pour le travail qu’ils accomplissent. Ces photos ne nous ramèneront pas nos enfants, mais elles vont nous permettent de les faire vivre dans nos foyers et familles. En regardant mes photos je verrais une famille, notre famille. Notre fils ne pourra plus jamais apparaître sur d’autres photos alors celle faite par Céline le 20 janvier prennent tout leur sens. Elles reflètent les moments trop court que nous avons passés avec Hugo, des moments à jamais gravé dans notre mémoire mais immortalisés par l’existence de l’association et par les bénévoles qui chaque jours interviennent à nos côtés pour que notre douleurs soit apaisées.
Chaque matin un regard sur ces photos me donnera la force d’avancer pour Hugo.